4 de enero de 2017

René Char

Los inventores

Llegaron, los del bosque de la otra ladera, los desconocidos para nosotros,
los que no seguían nuestras costumbres.
Llegaron en gran número.
El grupo apareció en la línea divisoria entre los cedros
y el viejo campo de la mies, ya regado y verde.
El largo camino los había sofocado.
La gorra echada sobre los ojos y el pie exhausto posado en el yermo.

Al vernos se detuvieron.
Era obvio que no esperaban encontrarnos allí,
en las tierras dóciles y de surcos bien juntos,
absolutamente descuidados de cualquier espectador.
Cuando levantamos la vista ellos se animaron.

El más elocuente se acercó, y a continuación un segundo,
también desarraigado y lento.
Hemos venido, dijeron, para advertiros de la inminente llegada del huracán,
vuestro implacable adversario.
No lo conocemos mejor que vosotros,
aparte de los relatos y testimonios de nuestros antepasados.
Pero ¿por qué somos incomprensiblemente felices en vuestra presencia,
como si de pronto fuéramos niños?

Les dimos las gracias y los despedimos.
Pero antes bebieron, y sus manos temblaban
mientras una sonrisa asomaba a sus ojos.
Hombres de árboles y hachas, aptos para hacer frente a cualquier terror
pero incapaces de conducir el agua o alinear los edificios
y recubrirlos con agradables colores,
desconocían el invernadero y la economía de la alegría.

Cierto, podríamos haberlos convencido y conquistado,
pues la angustia del huracán es conmovedora.
Sí, el huracán se aproximaba;
pero ¿hubiera valido la pena hablar de ello y que nos perturbara el futuro?
Aquí donde estamos no hay preocupación urgente.



René Char. Les Inventeurs (books.google.es)
Trad. E. Gutiérrez Miranda 2017


                    ∼

Les Inventeurs

Ils sont venus, les forestiers de l’autre versant, les inconnus de nous, les rebelles à nos usages.
Ils sont venus nombreux.
Leur troupe est apparue à la ligne de partage des cèdres
Et du champ de la vieille moisson désormais irrigué et vert.
La longue marche les avait échauffés.
Leur casquette cassait sur les yeux et leur pied fourbu se posait dans le vague.

Ils nous ont aperçus et se sont arrêtés.
Visiblement ils ne présumaient pas nous trouver là,
Sur des terres faciles et des sillons bien clos,
Tout à fait insouciants d’une audience.
Nous avons levé le front et les avons encouragés.

Le plus disert s’est approché, puis un second tout aussi déraciné et lent.
Nous sommes venus, dirent-ils, vous prévenir de l’arrivée prochaine de l’ouragan,
de votre implacable adversaire.
Pas plus que vous, nous ne le connaissons
Autrement que par des relations et des confidences d’ancêtres.
Mais pourquoi sommes-nous heureux incompréhensiblement devant vous et soudain pareils à des enfants?

Nous avons dit merci et les avons congédiés.
Mais auparavant ils ont bu, et leurs mains tremblaient, et leurs yeux riaient sur les bords.
Hommes d’arbres et de cognée, capables de tenir tête à quelque terreur
mais inaptes à conduire l’eau, à aligner des bâtisses, à les enduire de couleurs plaisantes,
Ils ignoraient le jardin d’hiver et l’économie de la joie.

Certes, nous aurions pu les convaincre et les conquérir,
Car l’angoisse de l’ouragan est émouvante.
Oui, l’ouragan allait bientôt venir;
Mais cela valait-il la peine que l’on en parlât et qu’on dérangeât l’avenir?
Là où nous sommes, il n’y a pas de crainte urgente.




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