29 de enero de 2017

André Velter

El artillero de Orión

Para nombrar a un poeta
que no tenía mentalidad de serlo,
y pienso en Blaise Cendrars,
habría que andar de aquí para allá,
brincar en la plaza,
torcerse el tobillo derecho,
beber cerveza con los legionarios,
reír bajo las estrellas,
correr a pesarse en una farmacia,
no parar,

destrozar barajas,
remendar planisferios,
improvisar un terceto de amor de 80 kilos,
visionar muchas películas aceleradas,
mentir a cada paso sin dejar de ser franco
como el oro que se acaba de robar,
no parar,

aprender a escribir con la mano izquierda,
bailar con los paisajes que desfilan
por las ventanillas de los trenes,
embarcarse hacia Panamá o Brasil,
tener nostalgia sin pertenecer a ningún sitio,
saltar sobre una marquesa a las cinco en punto,
recorrer París una noche de invierno
desde Batignolles hasta el Barrio Latino,
no parar,

cambiar de ritmo en cuanto se atraviesa la cadencia,
reconocer a François Villon en la calle Arbre-sec,
amar a una actriz de gira en el extremo del mundo,
partirle el bautismo y si es posible el maxilar
a las damiselas del patinaje literario,
volver a toda prisa e irse,
estar en todas partes,
no parar,

despertarse de repente en plena tarde,
reconciliarse con el tipo
que te ha dejado KO el día anterior,
bañarse en las aguas del lago Ilmen
sin preocuparse demasiado de Nóvgorod,
no esperar nunca,
no releer los artículos
que uno ha publicado en los periódicos,
encontrar el nombre de la madre,
no parar,

acariciar dulcemente los ojos de una desconocida,
no tener miedo,
no dar el cambio más que con dinero falso,
no parar, no parar, no parar,
sobre todo no parecerse a los poetas
que se tienen por poetas,
pero precipitarse en la vida de la poesía
atravesando la poesía de la vida.



André Velter. L'artilleur d'Orion (books.google.es)
Trad. E. Gutiérrez Miranda 2017


                    ∼

L'artilleur d'Orion

Pour dire un poète qui n'avait pas la tête de l'emploi
Et je pense à Blaise Cendrars
Il faudrait se promener de long en large
Sauter sur place
Se tordre la cheville droite
Boire des bières avec des légionnaires
Rire sous les étoiles
Courir se peser dans une pharmacie
Ne pas s'arrêter

Déchirer des cartes à jouer
Rafistoler des planisphères
Improviser un tercet d'amour de 80 kilos
Visionner plusieurs films en accéléré
Mentir à tout bout de champ sans cesser d'être franc comme l'or que l'on vient de voler
Ne pas s'arrêter

Apprendre à écrire de la main gauche
Danser avec les paysages qui défilent aux fenêtres des trains
S'embarquer pour Panama ou le Brésil
Avoir le mal du pays en se disant de nulle part
Enjamber une marquise à cinq heures
Arpenter Paris une nuit d'hiver des Batignolles jusqu'au Quartier Latin
Ne pas s'arrêter

Changer de rythme dès qu'on traverse la cadence
Reconnaître François Villon rue de l'Arbre-sec
Aimer une actrice qui tourne au bout du monde
Claquer le beignet et si possible le maxillaire aux demi-sels du patinage littéraire
Revenir en vitessse et partir
Ëtre partout
Ne pas s'arrêter

Se réveiller en sursaut en plein après-midi
Se réconcilier avec le type qui vous a mis KO la veille
Se baigner dans les eaux du lac Ilmen sans trop se soucier de Novgorod
Ne jamais s'attendre
Ne pas relire les articles qu'on fait paraître dans les journaux
Retrouver le nom de sa mère
Ne pas s'arrêter

Caresser doucement les yeux d'une inconnue
Ne pas avoir peur
Ne donner le change qu'avec de la fausse-monnaie
Ne pas s'arrêter ne pas s'arrêter ne pas s'arrêter
Surtout ne pas ressembler aux poètes qui se prennent pour des poètes
Mais s'engouffrer dans la vie de la poésie
En traversant la poèsie de la vie.




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