11 de junio de 2016

Nizar Qabbani

Salmodia sobre los mausoleos de los santones

I

Yo os rechazo a todos vosotros
y pongo fin al diálogo.
No tengo nada más que decir.
Hice una hoguera
con mis diccionarios y mis papeles.
Hui de la poesía antigua
y de la rima en “r” del largo poema Farazdak;
emigré de mi voz,
emigré de las ciudades de sal amarga
y de los poemas de loza pintada.

Traje mis árboles a vuestro desierto,
de desesperación los árboles se suicidaron;
traje mi lluvia a vuestra sequía,
la lluvia se abstuvo de caer;
planté mis poemas en vuestras matrices,
y allí se asfixiaron.
¡Oh matriz, portadora del polvo y las espinas!


II

He intentado arrancaros
del pegamento de la historia,
del calendario de las fatalidades,
de la poesía llorosa del tópico,
del culto a las piedras;
he intentado liberar Troya sitiada,
pero el sitio me ha sitiado.
Yo os rechazo. Sí, os rechazo,
a vosotros que habéis creado a vuestro Dios
a partir de la baba,
que habéis elevado una cúpula
a cada santón,
un lugar de peregrinaje
a cada falso profeta.
He intentado salvaros
de la clepsidra que os engulle
en cada instante del día y de la noche,
de los amuletos que lleváis colgados,
de las salmodias recitadas sobre las tumbas,
de los derviches giróvagos,
de la buenaventura de la adivina
y de la danza del Zaar.
He intentado clavar un clavo en vuestra carne,
pero he desesperado
de vuestra carne y de mis garras,
he desesperado del espesor del muro,
he desesperado de mi desesperación.

Ayer me enredé
en las trenzas de mi amante,
pero no pude hacerle el amor
como la he acostumbrado;
los rasgos de su cuerpo eran extraños,
la cama estaba fría,
el frío estaba frío,
el seno de la que amo era una vieja naranja exprimida
y una bandera agujereada.

Miro, azorado, el mapa del arabismo:
En cada palmo de tierra ha nacido un califa,
se ha establecido un poder absoluto,
ha sido levantada una jaima…
La bandera y los escudos me hacen reír,
los imperios me hacen reír,
los sultanatos de pacotilla,
las leyes originales,
los jeques del petróleo,
los matrimonios de corto disfrute
y los instintos desordenados.

Me voy. Rostro extranjero en Granada,
abrazo a los niños, los árboles y los minaretes derribados.
Allí acamparon los almorávides,
aquí se establecieron los almohades,
allí tuvieron lugar las orgías,
aquí sucedió el trance,
allí un manto ensangrentado,
aquí un patíbulo levantado.

¡Tribus árabes!
¡Dispersas como hojas secas!
¡Mataos! ¡Peleaos! ¡Suicidaos!
¡Oh puñalada,
por segunda vez,
como la de aquella Andalucía vencida!



Nizar Qabbani. Psalmodie sur les mausolees des santons (lecaravanserail.blogspot.com)
Trad. E. Gutiérrez Miranda 2016


                    ∼

Psalmodie sur les mausolees des santons

I
Je vous rejette tous
Et je mets fin au dialogue
Je n'ai plus rien à dire
J'ai fait un autodafé
De mes dictionnaires et de mes effets,
J'ai fui la poésie antique
Et la rime en "r" du long poème de Farazdak,
J'ai émigré de ma voix
J'ai émigré des cités du sel amer
Et des poèmes de poterie peinte.

J'ai apporté mes arbres à votre désert
De désespoir les arbres se sont suicidés;
J'ai apporté ma pluie à votre sécheresse
La pluie s'est retenue de tomber ;
J'ai planté mes poèmes dans vos matrices
Ils se sont étouffés.
O matrice, porteuse de poussière et d'épines!

II
J'ai essayé de vous arracher
De la colle de l'histoire,
Du calendrier des fatalités,
De la poésie pleurarde des clichés,
Du culte des pierres ;
J'ai tenté de libérer Troie assiégée,
Alors le siège m'a assiégé.
Je vous rejette, oui, je vous rejette
Vous qui avez créé votre Dieu
A partir de la bave,
Vous qui avez élevé une coupole
A chaque santon,
Un lieu de pèlerinage
A chaque faux prophète.
J'ai tenté de vous sauver
De la clepsydre qui vous engloutit
A chaque instant du jour et de la nuit,
Des amulettes que vous portez sur vous,
Des psalmodies récitées sur vos tombes,
Des derwiches tourneurs,
De la diseuse de bonne aventure,
Et de la danse du Zaar.
J'ai tenté de planter un clou dans votre chair,
Mais, j'ai désespéré
De votre chair et de mes serres,
J'ai désespéré de l'épaisseur du mur,
J'ai désespéré de mon désespoir.

Hier, je me suis pendu
Aux tresses de ma maîtresse
Mais je n'ai pu lui faire l'amour
Comme je l'ai habituée,
Les traits de son corps étaient étranges,
Le lit était froid
Le froid était froid,
Le sein de celle que j'aime était une vieille orange pressée,
Et un drapeau percé.

Je regarde, hagard, sur la carte de l'arabisme:
A chaque empan de terre un Califa est né
Un pouvoir absolu s'est établi,
Une tente a été dressée...
Le drapeau et les sceaux me font rire,
Les empires me font rire,
Les Sultanats de pacotille,
Les lois originales,
Les cheikhs du pétrole,
Les mariages de courte jouissance
Et les instincts déréglés.

Je marche, visage étranger dans Grenade
J'embrasse les enfants, les arbres et les minarets renversés,
Là, les Almoravides ont campé,
Ici, les Almohades se sont établis,
Là, ont eu lieu les orgies,
Ici, s'est effectuée la transe,
Là, un manteau ensanglanté,
Ici, un échafaud dressé.

Tribus arabes!
Dispersez-vous comme des feuilles mortes!
Entretuez-vous! Disputez-vous! Suicidez-vous!
O coup de poignard
Pour une seconde fois
Du genre d'une certaine Andalousie vaincue!


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