18 de noviembre de 2016

Asli Erdogan

El edificio de piedra

Nos reiremos más tarde, por ahora voy a llevarte al edificio de piedra. Cuando llegues a la esquina te creerás en un callejón sin salida, pero justo enfrente, al pie de la escalera, la calle gira a la izquierda. Detente ahí para decir adiós al mundo de los hombres.

El camino que nos ha traído aquí no tiene retorno. En el interior la luz está encendida día y noche; todo está expuesto a una claridad violenta e implacable y cada uno reducido a su sombra.

A cada pregunta hay que dar una respuesta breve; un destino se sostiene en unas pocas frases. Debe admitirse. El tiempo no tiene otro significado. El hombre es el más antiguo de los misterios, es materia que habla.

Antes yo amaba a alguien. Se fue y me dejó sus ojos. No tenía nadie a quien dejarme. Amar… Esa palabra, me la encontré hurgando en mi corazón, sondeando incansablemente estas densas tinieblas. ¡Pero nadie me dijo que «todo el mundo mata a quien ama»!

Estábamos juntos en el edificio de piedra. Durante mucho tiempo he prestado atención a los ruidos. Cuando llegó mi turno, el día no se había alzado aún.

Por supuesto, no me creéis. ¿Pensáis que este edificio es fruto de mis sueños? Pero, ¿no son nuestros sueños la levadura de la masa con la que estamos hechos? Por fin, el alba nace, regueros de rojo sangre aparecen en el horizonte… En el cielo tenso, apagado, muy plano, las estrellas se solidifican y desaparecen una tras otra. La última dejará una cuerda colgando hacia abajo, hacia nosotros. Tu noche silenciosa, tus palabras partidas por la mitad y ensangrentadas, tus sombras errantes, privadas de su dueño, tus sueños de color de corazón que nadie quiere, tus palabras aladas, podrán subir por ella… Todos tus sueños, que vinieron a vivir entre nosotros y regresaron sin avisar, podrán elevarse hacia las profundidades… En el trasfondo en que se pierden todo hombre y toda cosa…

¿Pero no me entendéis? Yo quizá hubiera podido contar mi relato en pasado. He empezado mi canción por el sitio equivocado, por la nota equivocada.



Asli Erdogan. Le bâtiment de pierre (fragmento) (bleudencreeditions-revue.over-blog.com)
Versión de E. Gutiérrez Miranda sobre la traducción al francés de Jean Descat

                    ∼

Le bâtiment de pierre

Nous rirons plus tard, pour l'instant je vais vous emmener dans le bâtiment de pierre. Arrivé à l'angle de l'édifice, vous aurez l'impression d'être dans une impasse, mais droit devant, au pied de l'escalier, la rue tourne à gauche. Vous vous arrêterez là pour dire adieu au monde des hommes.

Le chemin qui nous a menés ici est sans retour. Dedans, nuit et jour, la lumière est allumée, tout est exposé à une clarté violente et impitoyable et chacun est réduit à son ombre.

A chaque question, il faut faire une réponse brève, une destinée tient en quelques phrases. Il faut avouer. Le temps n'a plus d'autre sens. L'homme est le plus vieux des mystères, c'est de la matière qui parle.

Autrefois j'ai aimé quelqu'un. Il est parti en me laissant ses yeux. Il n'avait personne à me laisser. Aimer… Ce mot-là, je l'ai trouvé en fouillant dans mon cœur, en sondant inlassablement ces épaisses ténèbres. Mais personne ne m'a dit que "chacun tue celui qu'il aime" !

Nous étions ensemble dans l'édifice de pierre. J'ai longtemps prêté l'oreille aux bruits. Quand mon tour est venu, le jour n'était pas encore levé.

Bien sûr, vous ne me croyez pas. Vous pensez que ce bâtiment est issu de mon rêve ? Mais nos rêves ne sont-ils pas le levain de la pâte dont nous sommes pétris ? Finalement, l'aube va naître, des traînées rouge sang vont apparaître à l'horizon… Dans le ciel tendu, terne, tout plat, les étoiles vont se solidifier et disparaître l'une après l'autre. La dernière laissera pendre une corde vers le bas, vers nous. Ta nuit muette, tes mots coupés en deux et ensanglantés, tes ombres errantes, privées de leur maître, tes rêves couleur de cœur dont personne ne veut, tes mots ailés vont pouvoir y grimper… Tous tes rêves, venus vivre parmi nous et repartis sans crier gare, vont pouvoir se hisser vers les profondeurs… Dans les tréfonds où se perdent tout homme et toute chose…

Mais vous ne m'entendez pas ? J'aurais peut-être dû faire mon récit au passé. J'ai attaqué ma chanson dans le mauvais sens, par la mauvaise note.





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